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Déçus de Wikipédia, des figures de l'extrême droite ont créé leurs propres encyclopédies en ligne.

Capture d'écran / Infogalactic

Parce qu'ils jugeaient Wikipédia peu fiable et contaminé par les "social justice warrior" (comprendre, les progressistes), plusieurs figures de l'extrême droite ont inventé leurs propres encyclopédies en ligne. Leurs noms: Metapedia, Infogalactic, ou encore Conservapedia.

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Ces sites comptent aujourd'hui plusieurs centaines de milliers de contenus. Un succès tel que le premier d'entre eux existe désormais en pas moins de seize langues. Le second, pour l'instant uniquement disponible en anglais, sera également lancé en France d'ici la fin de l'été...

Suprémacisme, antisémitisme et complotisme

A première vue, ces trois encyclopédies ressemblent à s'y méprendre à Wikipédia. Le design, comme le concept participatif, lui ont en effet été empruntés. Côté contenus en revanche, la différence est assez nette. Fondés par des figures d'extrême droite américaines et suédoise, les sites ne cachent pas leur teinte politique.

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Sur les pages d'accueil de Metapedia et Conservapedia, on trouve ainsi deux colonnes relayant des thèses et théories négationnistes, suprémacistes, antisémites, racistes, islamophobes, antiféministes, complotistes, ou encore homophobes. Infogalactic se veut plus subtil. Son fondateur, qui se fait appeler Vox Day, est le premier à dénoncer le "biais d'extrême droite" (mouvance à laquelle il appartient par ailleurs). "Nous tâchons de mettre à disposition des internautes une plateforme neutre, qui leur permette de se faire leur propre opinion".

A bien y regarder pourtant, les actualités de la page principale sont toujours savamment choisies. Celles qui célèbrent les succès du président Donald Trump, par exemple, sont régulièrement mises en avant. Quant aux pages thématiques, certaines, plutôt bien documentées, jouxtent d'autres contenant d'objectives inepties.

Pour Infogalactic, le Pizzagate était réel

Un exemple est à ce titre évocateur. Le site Infogalactic dispose d'une page dédiée aux "fake news". Parmi ces fausses informations, est cité le "Pizzagate", une théorie conspirationniste selon laquelle l'ancien directeur de campagne d'Hillary Clinton aurait organisé un réseau pédophile depuis une pizzeria.

Pizzagate

Sur la page "fake news", est cité le Pizzagate.

© / Capture d'écran / Infogalactic

Problème: le site contient aussi une page entière sur ce même événement. Et là, plus question de "fake news": le Pizzagate a pour les auteurs bien existé. Des pseudo-preuves, comme le nombre d'enfants disparus dans la région de la pizzeria, sont même avancées. Interrogé à ce sujet par L'Express, Vox Day explique que selon lui, les médias "mentaient" au sujet de ce scandale. Il les accuse ainsi de n'avoir conduit "ni recherche, ni reportage" avant d'infirmer les faits. N'en déplaise au New York Times et aux autres journaux ayant mené l'enquête.

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Pour l'heure, ces plateformes restent moins populaires que Wikipedia. Alors que cette dernière est le cinquième site le plus consulté au monde, Infogalactic n'est que le 14 710e, et Conservapedia 18 066e aux États-Unis, selon le classement Alexa. Mais leur trafic ne cesserait d'augmenter, boosté par "révolte anti-Wikipédia."

La révolte anti-Wikipédia

Vox Day explique: "nous détestons Wikipédia parce que nous sommes fatigués de la malhonnêteté et du biais éditorial de ses administrateurs. Cela pénalise certaines personnes, de droite comme d'extrême gauche, et j'en fais partie." Selon lui, sur sa page, plusieurs erreurs auraient été comises. D'abord, on aurait tenté de "retirer certaines informations", comme le fait qu'il parle, selon lui, plusieurs langues. En réalité, cette mention a simplement été nuancée, passant de "Vox parle" à "Vox dit parler". Il dit ensuite qu'il a été écrit à tort qu'il était né dans le Minnesota, alors qu'il n'y a que grandi. Cela a certes été publié, mais rectifié au bout de quelques jours.

Ces critiques, on les retrouve largement sur Reddit, et plus particulièrement sur The_Donald. Un sous-forum de discussion rassemblant des militants pro-Trump. Eux, n'apprécient guère le traitement réservé à Breitbart, un média conservateur qualifié comme étant "d'extrême droite" par Wikipédia. Ils dénoncent également le fait que les "propagandistes gauchistes" de la plateforme aient bloqué les pages dédiées au Pizzagate et au Gamergate. "On ne peut plus les éditer", se plaignait à ce titre un certain "seriously". "Wikipédia est vendu", lui répondait MaximoffZero.

Wikipédia, au coeur de plusieurs scandales

Sur la version américaine de l'encyclopédie en ligne, les deux pages sont en effet sous "protection". Elles ne sont pour autant pas complètement bloquées. Seuls les auteurs inscrits depuis plus de 30 jours et ayant déjà effectué plus de 500 modifications d'articles, peuvent les éditer. Selon Wikipédia, ceci ne serait pas décidé par le site, qui ne possède "ni rédaction en chef, ni direction de la publication", mais par un "panel de membres élus au sein du comité d'arbitrage".

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Cela viserait à éviter les "perturbations" sur des pages concernant des sujets sensibles ou à controverse. Des mesures de "prévention", supposées éviter les "couacs" sur le site. Car ces derniers existent bel et bien... En février 2015, par exemple, de fausses informations postées sur la page dédiée au Gamergate avaient fait polémique. La plateforme s'est aussi parfois retrouvée envahie de propos racistes, et a été accusée de misogynie. Pas certain pour autant que la bonne réponse à ces problématiques soit à chercher du côté des nouveaux "Wikipédia" d'extrême droite.

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